Retour aux articles
Ecologie
Publié le

Intensifier les productions animales et végétales pour libérer de la place pour la nature ?

 

Bonne idée ou non ?

 

C’est le concept du « land sparing », littéralement « séparation des terres », qui s’oppose au « land sharing » ou « partage des terres ».(1)

Le land sparing est basé sur les avancées techniques et technologiques, permettant des rendements plus élevés sur des surfaces plus réduites. Par exemple, l’agriculture dite « de précision », la réécriture du génome des espèces domestiques… Grâce au land sparing, des surfaces pourraient alors être « libérées » et rendues à la nature.

⚠️ Une condition : le pari que ces avancées soient perpétuelles et continues, pour lutter contre les ravageurs qui s’adapteront au fur et à mesure. Et utiliser des intrants pour parer à l’épuisement des sols. C’est la théorie de la Reine Rouge :

Théorie de la Reine Rouge (biologie évolutive) : « Ici il faut courir pour rester à la même place.

Mais parviendrons-nous toujours à gagner cette course ?

 

Les + du land sparing

 

Il est, en théorie, plus bénéfique pour la biodiversité non agricole, notamment celle spécialiste des milieux forestiers. Les espaces naturels préservés seraient de taille plus importante, ce qui faciliterait l’implantation de grands prédateurs. Ils y seraient également moins dérangés par l’humain. En revanche, s’ils deviennent persona non grata dans les zones agricoles, et en l’absence de corridors écologiques connectant les espaces naturels, les populations auraient en fait du mal à survivre.

✅ Le land sparing est un concept qui prend son sens dans le cas où un territoire souhaite restaurer ses capacités de production alimentaire, et réduire ses importations.

 

Mais le land sparing ne tient pas compte des externalités négatives sur la santé publique, notamment l’exposition des populations aux pesticides. Ou encore les pollutions environnementales (émissions de gaz à effet de serre, impact sur les écosystèmes agricoles et aquatiques, etc). Les coûts d’entrée d’un tel système sont également plus importants pour les agriculteurs du fait des investissements nécessaires (mécanisation, systèmes d’Outils d’Aide à la Décision, etc) et peuvent en laisser certains « sur le carreau ». De plus, l’intensification réduit le nombre d’agriculteurs. Les exploitations s’agrandissent et deviennent plus difficilement transmissible (coût d’achat important).

 

Faut-il alors privilégier le land sharing ?

 

💡 Ce concept correspond globalement à l’agro-écologie et à l’agriculture biologique, bien plus favorable à la biodiversité agricole, en plein effondrement. De nombreuses modélisations (dont la FAO « Produire plus avec moins ») le trouvent néanmoins inadapté à la production alimentaire nécessaire pour nourrir la planète. (2)

Cependant, ces modélisations sont faites à productions agricoles égales, c’est-à-dire sans évolution des régimes alimentaires vers des régimes moins carnés, pourtant recommandés pour les santés humaine, environnementale et animale. Certaines publications sérieuses affirment au contraire que ce modèle pourrait être généralisé, ou largement augmenté, sans impact sur la superficie cultivée (au minima 50% des terres en agriculture biologique). A condition d’adapter les régimes alimentaires et de réduire le gaspillage. (3–7)

La difficulté serait en réalité moins technique que socio-économique. Les impacts seraient surtout au niveau du consommateur (régime alimentaire par exemple) et du citoyen (modes de consommation, alimentaires ou énergétique), des firmes, et de façon majeure, des états et de leurs politiques.

 

👍 Le land sharing permettrait également de créer plus d’emplois, en privilégiant les exploitations de taille plus faible et une mécanisation moindre. Néanmoins, la mise en place de paiement pour services environnementaux rendus par les agriculteurs (par exemple, une meilleure qualité d’eau) resterait indispensable pour un land sharing soutenable.

 

Une conciliation de ces modèles est-elle possible ?

 

Le land sparing, sous conditions, et selon les territoires, peut-être une option en attendant la transition vers des modèles alimentaires plus durables, et donc la mise en place d’un land sharing à plus large échelle.

 

Quelles conditions ?

  • Une évaluation scientifique des impacts environnementaux poussée
  • Une réglementation intégrant les résultats de ces recherches

 

Et l’accès à la nourriture ?

Il demeure essentiel pour garantir la sécurité alimentaire. Comme l’explique le directeur de la FAO : (8)

«  La faim existe aujourd’hui alors qu’il y a suffisamment de nourriture pour tous. Même si nous augmentons les rendements agricoles de 60 % d’ici à 2050, 300 millions de personnes souffriront de la faim à cause d’un manque d’accès aux vivres, (…) parce qu’elles n’ont pas la capacité de produire suffisamment de nourriture pour leur propre consommation ou les moyens d’en acheter. »

 

Si cet article vous a intéressé, vous pouvez me soutenir sur LinkedIn par un 👍, et vous abonner à ma newsletter pour recevoir les prochains !

A bientôt avec BiodiVeto

 

➡️ En lien avec ce thème, par BiodiVeto : Elevage & Stratégie Nationale Bas Carbone : quelles possibilités ?

 

Sources :

  1. Coulomb P. Fondation pour la recherche sur la biodiversité. 2018 . Biodiversité et Agriculture : séparation ou réconciliation ? Une question centrale, des réponses contingentes. Disponible sur: https://www.fondationbiodiversite.fr/biodiversite-et-agriculture-separation-ou-reconciliation-une-question-centrale-des-reponses-contingentes/
  2. Alexandratos N, Bruinsma J. World agriculture towards 2030/2050: the 2012 revision.
  3. Benoit M, Tchamitchian M, Penvern S, Savini I, Bellon S. Le Bio peut-il nourrir le monde?
  4. Muller A, Schader C, El-Hage Scialabba N, Brüggemann J, Isensee A, Erb KH, et al. Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture. Nat Commun. 14 nov 2017;8(1):1290.
  5. Le scénario Afterres 2050. Disponible sur: https://afterres2050.solagro.org/decouvrir/scenario/
  6. IDDRI, 2014 [cité 28 mai 2024]. Une Europe agroécologique en 2050 : un scénario crédible, un débat à approfondir. Disponible sur: https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/billet-de-blog/une-europe-agroecologique-en-2050-un-scenario-credible-un
  7. Muséum national d’Histoire naturelle. 2024. Pourrait-on nourrir toute l’humanité par l’agriculture biologique ? Disponible sur: https://www.mnhn.fr/fr/pourrait-on-nourrir-toute-l-humanite-par-l-agriculture-biologique
  8. Nations Unies. Nourrir la planète de manière durable. Disponible sur: https://www.un.org/fr/chronicle/article/nourrir-la-planete-de-maniere-durable