Bien-être animal : et si on donnait la parole aux éleveurs ?
La Nouvelle-Zélande a donné la parole à des éleveurs de vaches laitières pour imaginer l’élevage du futur, centré sur les besoins des vaches !
Imaginer l’élevage dans 50 ans
Les éleveurs ont fait l’exercice de changer de perspective pour réfléchir du point de vue de l’animal. Mais comment faire pour arriver à se projeter, en se détachant des contraintes actuelles – notamment financières – qui brident l’imagination ? Tout simplement, en réfléchissant aux conditions d’élevage d’il y a 50 ans… Une excellente méthode pour se rendre compte de l’importance des changements qui ont eu lieu sur ce laps de temps ! L’exercice était ensuite de se projeter à 50 ans dans le futur, estimant ce temps assez long pour lisser les éventuels investissements à réaliser.
Dans cet article, nous allons explorer les solutions concrètes proposées par les éleveurs pour le bien-être animal en répondant à la question :
Si vous étiez une vache laitière, quels éléments de ferme seraient les plus importants pour vous ?
Il est apparu que les éleveurs, comme les vétérinaires, accordent plus d’importance à la santé qu’aux états affectifs, ou qu’à l’expression des comportements naturels.
Au contraire du public qui revendique la « naturalité » des systèmes d’élevage.
Résultats : être une vache en 2071
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Un environnement adapté
- Le pâturage permet aux vaches d’avoir un plus grand choix sur leur environnement, et de réaliser plus de comportements naturels. L’idéal : une combinaison abri et pâturage. Des abris mobiles pouvant suivre les vaches dans leur paddock ont même été évoqués ! L’important est de pouvoir les protéger contre les évènements climatiques extrêmes, par la présence d’arbres et/ou d’infrastructures physiques.
- Le sol doit être adapté. Les éleveurs Néozélandais ne plébiscitent pas le béton.
- L’accès à l’eau doit être garanti. La solution de mares artificielles pour permettre aux vaches se refroidir le corps a même été évoquée.
- Une taille de troupeau réduite. La majorité était favorable à des élevages de 100 vaches, ce qui est au-dessus de la moyenne française, mais un signal assez fort dans un pays où les troupeaux peuvent aller jusqu’à 2000 individus ! Les éleveurs soulignent le stress social pour les vaches de retrouver leurs « amies » dans des troupeaux de grande taille. « Smaller, the better » ! En effet, la vache est un animal social qui va tisser des liens plus étroits avec certaines de ses congénères.
- Enrichissements : des postes pour se gratter, des balles pour jouer et des brosses.
La pâturage sera toujours bien présent dans un « élevage du futur » centré sur le bien-être animal
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Gestion et soin des vaches
- Utilisation de la technologie : Employer des machines à traire automatique portables, qui éviteraient aux vaches de marcher sur de longues distances, mais qui leur permettraient de se faire traire quand elles le souhaitent.
- Monitorer la santé et la condition corporelle est important. Les éleveurs sont favorables aux données de santé personnelles pouvant les aider, mais attention à la taille du dispositif embarqué sur les vaches pour recueillir ces données !
- Management du veau : un système de logement permettant le contact entre la vache et son veau, en prenant en compte les personnalités des mères et la variabilité de l’instinct maternel.
- Diminuer la fréquence de vêlage : tous les 18 mois, pour avoir moins de veaux « bobby » c’est-à-dire des veaux âgés de moins de 30 jours et sans leur mère.
- Ébourgeonnage : les éleveurs étaient partagés sur le fait de garder les cornes. ( Note de BiodiVeto : J’ai personnellement vu des élevages de vaches laitières, élevées sur de longues durées au pâturage, non écornées mais avec le bout des cornes limées. )
- Abattage à la ferme : utilisation d’abattoirs mobiles. En France, un essai a eu lieu mais les contraintes économiques sont venues à bout du projet. Anthropomorphisme : ne veulent pas que les autres voient leurs copines mortes. Alors qu’en fait, les bovins n’ont pas de conscience de ce qu’est la mort.
- Reproduction / Insémination Artificielle : certains étaient contre l’insémination artificielle, d’autres disaient que cela pouvait permettre d’espacer les naissances et que « les taureaux n’étaient pas toujours sympathiques avec les vaches ».
- Alimentation : fournir des fourrages de qualité variés. Certains désaccords, notamment sur l’alimentation controversée (graine de palmier issues de la déforestation en Asie du Sud-Est).
- Gestion du troupeau : les vaches doivent être traitées de manière humaine et éthique.
On passe à l’action !
A court terme
Selon les éleveurs, certaines de ces pratiques semblaient aisées à mettre en place à court terme, comme les enrichissements., ou planter des arbres pour offrir des abris à l’extérieur, même si l’effet définitif était visible à plus long terme. Monitorer l’animal et sa santé semblait également faisable à court terme.
A plus long terme
Les infrastructures représentent les investissements les plus importants en termes de coûts. Elles nécessitent également la réalisation de nouveaux designs : par exemple, prévoir des logements permettant le contact veau-vache.
Il faut donc budgéter et répartir ces investissements sur plusieurs années. Les éleveurs soulignent que le prix doit se refléter dans les produits.
La réduction de la taille des élevages est également un point clé, mais à l’encontre de la tendance, en Nouvelle-Zélande tout comme en France, ou de nombreux autres pays dans le monde.
Comment accélérer la démarche ?
La demande doit aussi être portée par les consommateurs. Cependant, les éleveurs admettent qu’elle irait plus vite s’ils étaient tous « vache-centrés ».
L’implication de toutes les parties prenantes est primordiale, en particulier de conseillers formés. Un industriel qui s’engagerait avec un nombre important de fermes permettrait également de lancer la démarche.
Enfin, la règlementation a été vue comme indispensable pour garantir le succès des changements de modèle. Dans une optique de transparence, les éleveurs ont même pensé à laisser des caméras à disposition du public, ou encore une « hotline » pour prendre des plaintes anonymes, car il n’est pas facile d’aller reporter les abus ou mauvais traitements de ses voisins !
Le mot de la fin
Cette étude présente des solutions concrètes à adopter en élevage, les éleveurs n’ayant pas eu peur d’aborder des sujets controversés : séparation veau-mère, ébourgeonnage, taille du troupeau… Elle a cependant besoin d’être complétée et vérifiée par des évaluations scientifiques. On y retrouve par exemple de nombreux témoignages anthropocentrés lorsqu’il s’agissait de se mettre à la place de la vache.
Néanmoins, les éleveurs sont les personnes les mieux placées pour comprendre les besoins des animaux qu’ils élèvent au quotidien. Il est donc crucial de valoriser leur avis pour construire des systèmes d’élevage centrés sur le bien-être animal. En écoutant les éleveurs et en prenant en compte leur point de vue, nous pouvons créer un système d’élevage plus éthique et durable pour les vaches laitières.